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Troubles à la Fecafoot : L’émouvante lettre ouverte du Pr Shanda Tomne à Samuel Eto’o

Professeur à l’institut des relations internationales du Cameroun (IRIC), Shanda Tonme se réclame lui-même un admirateur de l’actuel président de la la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), Samuel Eto’o; pour tout ce que ce dernier a été en tant que joueur pour le Cameroun et l’Afrique. Cependant, face à la guéguerre qui ronge la Fecafoot que dirige l’ancien footballeur depuis fin 2021, le professeur ne marche pas ses mots pour l’inviter simplement et purement à « démissionner ». Lire l’intégralité du message ci-dessous :

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Cher compatriote,
Jamais je n’oublierai ma joie à peine contenue, en découvrant lors d’une mission à Barcelone, vos photos dans les arrêts bus. Cela me rappela trop de souvenirs, cette image de la légende Mpeh Maurice décrochant un penalty à Karthoum dans les trente mètres, le footballeur du siècle, Roger Milla, délivrant un but en or à la coupe du monde à plus de quarante ans et gratifiant la planète entière d’une danse mémorable, cette voix experte et permanente de Bell Joseph Antoine lors des compétitions internationales, cette médaille olympique de Joseph Bessala, ce moment où le grand Manu reçoit le disque d’or, son saxophone mythique au cou, pour le Soul Makossa. Et la triple sauteuse Françoise Mbango, merveilleuse et sublime en or, comme auriole Ndongmo.
Tout cela, c’est le Cameroun, un Cameroun qui vibre, qui brille et qui gagne, qui nous comble de fierté. De ce tableau, vous émergez comme une sorte de mascotte vivante, une emblématique star d’actualité et peut-être modèle du moment. Hélas, ce qui est très exposé et popularisé, est aussi ce qui est toujours très surveillé et sanctionné.


Cher compatriote,
J’en viens au fait, pour redire toute l’admiration et le respect pour l’homme, le sportif, celui qui justement a porté haut nos couleurs nationales. J’en viens, avec quelques vérités, quelques observations, tant l’actualité m’interpelle et me commande de prendre la parole, pour venir à vous, vers vous, délivrant un sentiment répandu, pour dire des choses. Je le reconnais, pour ce qui me concerne, avoir refusé votre candidature à la tête de cette association, sur des bases à la fois légales et éthiques.
Mais, je m’étais aligné, en patriote, après l’onction des plus hautes autorités de notre pays, et au point de faire une sortie quelques temps après, pour appeler vos détracteurs à vous laisser travailler, reformer et redresser. En réalité une vie privée agitée autant qu’une entorse par rapport à nos lois, règlements, doctrines et jurisprudences sur la question de la double nationalité, vous disqualifiaient logiquement. Mais bon !
Aujourd’hui, j’estime avoir attendu le temps nécessaire, avoir pris la mesure des choses, des marques et des actes de toutes natures. Contemplant votre gouvernance faite d’absence de consensus, de quelques brutalités et d’absence de respect de certains symboles dont on vous accuse, je milite dorénavant pour votre départ intelligent de la tête de cette institution privée.
Trop de bruits dans le stade tue la beauté du spectacle d’un match, et trop de mauvais coups de pied sur le ballon fait perdre l’équipe en ruinant sa réputation. Ma conviction c’est que vous êtes arrivés comme tous ceux qui débarquent après un long séjour à l’étranger et prétendent refaire le pays en un jour, en un coup de crayon. Je ne pense pas que vous avez compris le Cameroun, ni que vous avez la volonté de le comprendre. Je m’exprime en patriote et en citoyen libre.
Les écarts brutaux à l’endroit des symboles forts comme le général Semengue, constituent un outrage et une forfaiture d’une inacceptable déconstruction des pans entiers du patrimoine national. J’avais personnellement fait connaître mon opposition à l’implication du dernier des fondateurs de notre brave et vaillante armée dans cette marre aux crabes, mais là encore, je me suis ravivé, au nom du libre droit de chaque citoyen, d’exprimer à sa manière, un intérêt pour le sport et la gestion du sort.
Dans ce registre, la volonté d’humilier l’ancien président Seydou Mbombo Njoya, dont la nomination au Sénat, aurait dû vous instruire sur les spécificités de la scène politique camerounaise, ainsi que les secrets des grands équilibres vectoriels su vivre ensemble chez nous, est un autre cas.
Non, Samuel, vous n’avez pas sciemment changé les textes pour allonger le mandat, sans être soumis à une influence diabolique, tout comme persister dans la légèreté des contrats au gré de vos seuls intérêts et émotions ? Les histoires avec les nouveaux maillots, que je déteste durement, et ces procès qui vont avec, et ces autres contrats avec des nébuleuses des jeux de hasard ? Où se trouve finalement le modèle adulé, attendu ou espéré par la jeunesse en furie ? Une faute, une défaillance involontaire ou une dérive de circonstance, ça va, mais trop de fautes successives dans un élan d’ostentation et d’autoritarisme, ce n’est plus tolérable.
Je me refuse à trop de comptabilités, mais, dans ce registre, j’ai peur que vous vous soyez attaqué à ceux qui font ce sport ici, à ceux qui le financent et en assurent la promotion, à ceux qui y ont parfois investi leur vie et leur fortune. Le Cameroun est une boule de cristal délicate faite de multiples facettes qui symbolisent sa diversité. Tout ce qui s’y fait requiert la plus grande dextérité. A l’évidence, cette réalité semble continuer de vous échapper. Je commence à craindre, que l’homme, la mascotte, le modèle pour la jeunesse, que j’ai tant admiré depuis ce jour à Barcelone, soit bientôt couvert de souillures, d’humiliations, de procès populaires et de rejets retentissants.
Je ne souhaite point cette issue, parce que personne ne supporte de voir ses valeurs référentielles mourir, compromises, malmenées. Puisse un changement de cap intervenir au plus vite. Mais comment effacer les mauvais souvenirs à l’instar de l’humiliation infligée à Jean Paul Akono, à quelques collaborateurs, à quelques journalistes, à quelques gens ordinaires ? Comment effacer ces bagarres choquantes sur les stades et dans les gradins, avec les couleurs du pays et de responsable de notre football au front ? Et ces charters d’amis au mondial, avec l’argent public, au détriment des professionnels et des anciennes gloires délaissées ? Moi, je reste réservé sur tout ça.


Cher compatriote,
Je refuse de me dédire. Je refuse de vous retirer mon soutien. Je continue de vous porter en triomphe et en modèle. Mais dans la longue, palpitante et complexe histoire des nations, des symboles meurent et finissent dans des poubelles infâmes. Le mien fera exceptions en dépit de tout, et je veille, parce qu’il est encore temps, le temps de la démission et du retour à la salvatrice et glorificatrice image de Barcelone. Qui voudra voir le footballeur africain le plus titré, finir comme une fleur qui a perdu de sa senteur captivante, ou tout simplement une rose dont les couleurs d’éclat sont dorénavant repoussantes ?
Il faut partir de là, et le plus tôt sera le mieux, pour vous-même, pour notre football, pour vos amis, pour nos soutiens, pour les promoteurs de ce sport, pour les joueurs troublés, désorientés et gênés, pour le Cameroun et son image, sa crédibilité et sa réputation. Il n’y a aucune autre prophétie qui tienne, aucune promesse qui vaille la peine ni aucun conseil qui soit plus sage.
Vous êtes encore jeune, et votre avenir est beau, radieux, lumineux et plein de nombreux autres succès, mais en dehors de la FACAFOOT. S’il en est ainsi, véritablement, et si vous me comprenez et me considérez, je jure sur tous les toits, toutes les bibles, tous les Corans, toutes les tombes, tous les crânes, devant les patriarches et les ancêtres, que je reste des vôtres.
Gouverner c’est savoir, pouvoir et vouloir dialoguer, arranger, rassembler, cultiver la médiation et la tolérance, l’humilité, le pardon et la réconciliation en permanence. Les rancunes, les vengeances et les règlements des comptes tuent les génies et détruisent la gouvernance. Les grands principes, les doctrines, les idéologies et les démonstrations de puissance passent, mais l’être humain demeure et la planète reste la même, malgré tous les vents et tous les cataclysmes./.


FRATERNELLEMENT ET PATRIOTIQUEMENT./.
​Yaoundé, le 1er Juillet 2023
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