Par le passé, il s’est fait un nom dans le monde syndical. Mais aujourd’hui, Jacques Ayadji transpose son combat sur le terrain politique, et ce, avec la même conviction.
Quand il est convaincu d’une cause, rien ne l’arrête. Hier, syndicaliste bon teint, Jacques Ayadji hantait le sommeil des gouvernants. Mais aujourd’hui, il est l’une des figures de proue de la majorité présidentielle, et scrute autrement la gouvernance du pays. Effectivement, le 28 juillet 2018, à la stupéfaction générale de ses admirateurs, il troque sa casquette de syndicaliste pur et dur contre celle de chef de parti politique. C’est ce jour qu’a vu le jour, sous sa férule, le Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (Moele-Bénin), un parti qui soutient ardemment les actions du gouvernement et de son chef.
Plus de trois ans après avoir quitté le monde syndical, l’ancien truculent syndicaliste assume, malgré l’avalanche des critiques et de volées de bois verts, ce choix, opéré au grand désarroi d’une bonne partie de ses « fans ». L’homme, droit dans ses bottes, justifie son entrée en politique. « Face à l’échec de nos élites notamment politiques, mes camarades et moi-même avions jugé opportun de porter nos luttes et notre engagement sur ce terrain resté longtemps aux mains des marchands d’illusions », explique Jacques Ayadji, entre deux conversations, les doigts sur le clavier de son téléphone portable dont il ne se sépare presque jamais.
Un homme de conviction
Cependant sa mue n’érode ni sa combativité ni ses convictions. Bien au contraire, il garde ce punch que les auditeurs d’une radio de la place affectionnent si tant. « Jacques Ayadji prise les joutes oratoires. Il aime les débats et le choc des idées. Pour lui, c’est de la contradiction que jaillit la lumière », témoigne un des journalistes du média implanté en plein cœur du marché Dantokpa. « Il est réputé pour son franc-parler, et n’a pas sa langue dans sa poche », constate ce professionnel des médias. Sa franchise, parfois déconcertante, n’est pas très appréciée dans le microcosme politique béninois où la langue de bois semble être « la chose la mieux partagée ». Mais lui, convictions chevillées au corps, n’en démord pas.
À preuve, en février 2021, en pleine commémoration de l’an 31 de la Conférence nationale des forces vives, Jacques Ayadji, provocateur sur les bords, jette un pavé dans la mare. Il persiste et signe : « la Conférence nationale est un poison lent » pour la démocratie béninoise. Une lecture osée de ce pan de l’histoire du pays, quand l’on sait que, pour la majorité des Béninois, les assises du Plm Alédjo constituent ni plus ni moins « le berceau du renouveau démocratique ».
Toutefois l’obstination de l’enfant d’Awaya à aller de l’avant et à braver les obstacles fascine ses compatriotes y compris Patrice Talon, l’actuel locataire du palais de la Marina. « Quand il croit en quelque chose, il ne lâche pas. C’est un têtu », confie le chef de l’Etat béninois lors d’un meeting du parti bleu. Ce jour, devant des militants de Moele-Bénin tout extasiés, Patrice Talon reconnaît publiquement, et à la face du monde, les mérites de son collaborateur : « Je suis fier de toi, je suis fier de Moele-Bénin parce qu’à Moele-Bénin, vous faites les choses avec élégance ». Pour un des cadres de Moele-Bénin, « ces mots du président de la République témoignent de son affection à Jacques Ayadji ».
Un combattant précoce
Cadre chevronné, Jacques Ayadji gravit les échelons en dépit de son activisme syndical. Car, tout au long de sa carrière, sa compétence professionnelle n’a jamais été mise en cause. Pas étonnant alors qu’en une vingtaine d’années de métier, le tatillon ingénieur des travaux publics franchit une à une les marches : chef de division, chef service, coordonnateur de projets, directeur adjoint. Et en juillet 2016, il prend la tête de la direction générale des infrastructures(Dgi), devenue plus tard direction générale des infrastructures des transports(Dgit). Pour lui, c’est la consécration professionnelle.
Cadet d’une fratrie de quatre enfants, Jacques Ayadji hérite de la rigueur de son géniteur, un administrateur civil à la poigne d’acier. Malgré sa dévotion pour son père, il rechigne cependant à s’inscrire à l’Ecole nationale d’administration(Ena), selon le vœu paternel, pour embrasser une carrière d’administrateur des finances. Son baccalauréat en poche, le jeune étudiant s’inscrit au Collège polytechnique universitaire(Cpu) de l’ex-université nationale du Bénin où il décroche trois ans plus tard une licence en génie civil. Toujours à la quête du savoir, il consolide sa formation professionnelle avec un diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) en génie sanitaire de l’Ecole Inter-Etats d’Ingénieur de l’Equipement Rural (EIER) de Ouagadougou au Burkina Faso et un Cycle d’études supérieures en routes (Ces Routes) de l’Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris en France.
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Parce qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, l’ascension professionnelle de l’actuel patron de la Dgit, ne surprend ni ses proches ni ses collègues. Car, c’est sur les bancs de l’école que le jeune Jacques Ayadji forge ses premières armes, et mène ses premiers combats. L’histoire raconte par exemple qu’à la tête de l’entité syndicale des étudiants du Centre polytechnique universitaire(Cpu), rebaptisé Epac, il se bat pour obtenir de l’administration de meilleures conditions de vie aux apprenants. Réputé frondeur et réfractaire à l’injustice, il n’hésite pas à affronter la redoutable machine de répression de l’administration rectorale. Cet effrontément, il le sait, n’est pas sans risque, et pas des moindres : l’échec et le renvoi de l’école. Mais il s’est toujours sorti des situations même les plus cocasses.
Manlonhan R. H