Afrique de l'ouestLa Une

Pourquoi le Niger a rappelé son ambassadeur en Côte d’Ivoire

À la faveur d’un communiqué lu, lundi 14 août 2023 à la télévision nationale, la junte nigérienne a annoncé le rappel de son ambassadeur en Côte d’Ivoire « pour consultation ». Une décision de Niamey qui s’explique par la colère suscitée par les propos belliqueux de Alassane Ouattara à l’encontre des autorités militaires nigériennes.

Les nouveaux dirigeants de Niamey ont la dent dure contre la Côte d’Ivoire et son président Alassane Ouattara. Ils reprochent à ce dernier ses propos, tenu lors d’une conférence de presse à Abidjan après son retour du sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cedeao du 10 août.

À travers un communiqué lu, lundi 14 août, par leur porte-parole, les autorités militaires nigériennes ont, en réaction, annoncé avoir rappelé « pour consultation » l’ambassadeur du Niger près la Cote d’Ivoire. Elles expliquent que cette décision fait suite aux propos « exagérément menaçants de Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, relayant et prenant pour son compte, avec une agressivité notoire, les conclusions du Sommet extraordinaire de la Cédéao », en l’occurrence les sanctions prononcées contre le Niger et la menace d’une intervention armée avec l’activation de la force en attente de l’organisation.

Pour les autorités de Niamey, les sanctions à la fois « iniques et illégales, et la précipitation qui les caractérise, attestent de la manipulation orchestrée par certaines puissances extérieures pour un agenda inavoué, et sont loin de faiblir la détermination des nigériens à opérer le changement nécessaire pour le redressement du pays et la sauvegarde des intérêts de son peuple ». En conséquence, c’est avec « stupeur que les Nigériens ont suivi cette apologie de l’action armée contre le Niger », dont s’est fait chantre le Président Alassane Ouattara, « dans une volonté acharnée de détruire le pays et son peuple, pour soi-disant ramener un régime dont les Nigériens avaient hâte de s’en séparer, comme en témoignent les manifestations spontanées des populations à l’action salvatrice du 26 Juillet 2023 ».

Pour les nouvelles autorités nigériennes, loin d’être l’expression de la volonté du peuple ivoirien frère, dont l’amitié avec le peuple nigérien est sans équivoque, cette déclaration « inhabituelle » du Président Ouattara et « son empressement à vouloir se réaliser cette agression, à tous points illégale et insensée », contre le Niger, reflète en réalité « une injonction adressée à lui et à certains de ses pairs de la Cédéao, par d’autres puissances extérieures, dans le but de préserver des intérêts qui ne correspondent plus à ceux du Niger d’aujourd’hui ».

C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, le CNSP et le gouvernement du Niger expriment leur « rejet total des propos tenus par le Président Alassane Ouattara qui vont au-delà de la position commune de l’Organisation sous-régionale, elle-même dénuée de fondement légal, et décident du rappel de l’Ambassadeur du Niger à Abidjan, pour consultation ».

Selon le colonel Amadou Abdramane, porte-parole de la junte nigérienne, le Niger a conscience que les déclarations du président Alassane Ouattara ne reflètent pas la volonté du peuple ivoirien frère, avec lequel le peuple nigérien entretient une profonde amitié. Pour les nouvelles autorités nigériennes, cette déclaration « inhabituelle » du Président Ouattara et sa hâte à entreprendre une action armée qui est non seulement illégale mais aussi dépourvue de sens, à l’encontre du Niger, ne sont en réalité rien d’autre qu’une réponse à des pressions émanant de puissances étrangères, avec pour objectif de protéger des intérêts qui ne correspondent plus à la réalité actuelle du Niger.

À lire aussi : Coup d’État au Niger : 54 manifestants appréhendés à Niamey

Ainsi, le Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) et le gouvernement du Niger affirment leur « rejet total des propos tenus par le Président Alassane Ouattara, qui dépassent même la position commune de l’Organisation sous-régionale. Cette dernière, de surcroît, manque de fondement légal. En conséquence, les autorités nigériennes ont pris la décision de rappeler l’Ambassadeur du Niger à Abidjan « pour consultation ».

Au-delà de la Cedeao, une diplomatie en berne avec la Cote d’Ivoire ?

Le président Alassane Ouattara a , à son retour du deuxième sommet extraordinaire des chefs d’Etat la Cedeao au sujet du Niger, lors d’une conférence de presse à l’aéroport d’Abidja informé le peuple ivoirien des décisions prises par l’organisation sous-régionale. Au cours de ce face-à-face avec les professionnels des médias, le président ivoirien a fait savoir que son pays déploierait un bataillon composé de 850 à 1 100 militaires, pour participer à l’opération armée envisagée par la Cedeao visant à rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. « La Côte d’Ivoire est prête. J’ai donné instruction au chef d’État-major général des armées de débuter la mobilisation de nos troupes en vue de leur participation à cette mission de la CEDEAO », a souligné Alassane Ouattara en précisant que cela devrait se faire dans les plus brefs délais.

Par ailleurs, le président Ouattara a informé que, outre la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Bénin s’étaient engagés à mobiliser leurs propres troupes pour cette initiative, et que d’autres pays feraient de même prochainement.

« Nous sommes déterminés à réinstaller le Président Bazoum dans ses fonctions de président démocratiquement élu du Niger », a-t-il poursuivi en arguant que l’objectif de cette opération était de rétablir la paix et la stabilité dans la région, dans l’intérêt des communautés locales et du développement de l’Afrique de l’Ouest.

Selon lui, « La Cédéao ne peut pas accepter ce coup d’État au Niger (…) La décision que nous avons prise, et j’espère qu’elle sera mise en œuvre immédiatement, est une décision de la Cédéao. Ils gardent le président Bazoum en otage. Je considère personnellement qu’il s’agit d’un acte terroriste. Nous devons agir », a ajouté le président ivoirien, Alassane Ouattara.

À lire aussi : Intervention militaire au Niger : L’Union Africaine tourne le dos à la CEDEAO

Ces propos ont clairement suscité l’ire de la junte nigérienne, qui a décidé de réagir, au risque de provoquer une crise diplomatique entre Niamey et Abidjan.

Jesdias LIKPETE

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page